Éthiopie : au coeur de la diversité botanique
L’Éthiopie, c’est à la fois le Graal des voyageurs et le paradis des botanistes. D’Arthur Rimbaud à Henry de Monfreid, l’Abyssinie, berceau de l’humanité, a nourri notre imaginaire. Le « pays des aromates » fascine tant par l’extrême variété d’épices endémiques qu’il accueille que par ce sentiment de pouvoir y lire l’histoire de notre planète…
Un territoire pluriethnique !
C’est à Addis-Abeba, plus haute capitale du continent africain avec ses 2 300 à 2 600 mètres d’altitude, que débute ce voyage si attendu. Première étape : faire connaissance avec un guide et un interprète, indispensable compagnon de route dans ce pays dont la superficie fait presque deux fois la France et compte quelques quatre-vingts ethnies et autant de dialectes. Sur le sol éthiopien, il est des régions où deux interprètes sont nécessaires à toute amorce de conversation !
Les jardins en lanières des villageois un modèle d’équilibre étudié par les botanistes
Cap ensuite vers le sud-ouest éthiopien. La traversée de la région de Gofa permet de découvrir les jardins en lanières, qui accueillent, dans un modèle d’équilibre et de biodiversité, jusqu’à deux cents espèces végétales. Organisées de manière verticale, des hautes terres un peu plus sèches où poussent teff et autres céréales, bananes, taros, manioc… aux zones humides enfoncées au pied des sources, où est cultivée notamment la kororima, à l’ombre des grands arbres. Avec leurs trois vaches qui contribuent à cet écosystème, les villageois ont réussi à établir un modèle d’équilibre très étudié par les ethnobotanistes et botanistes.
Leurs maisons sont entièrement construites en matériaux naturels : ossature en tiges d’eucalyptus reliées par des fibres d’ensète, « faux bananier » dont les fruits sont très utilisés dans la cuisine éthiopienne (galettes, farine, etc.).Cérémonie Pascale orthodoxe
Heureux hasard du calendrier, une première étape à Arba minch, la ville aux « quarante sources », est l’occasion d’assister aux préparatifs de la Pâques orthodoxe. Plusieurs religions sont pratiquées en Éthiopie, et les chrétiens orthodoxes représenteraient 44% de la population. La ville tout entière est dévouée à la fête. La cérémonie Pascale, qui se tient le soir même, s’ouvre à 21 heures pour s’achever à 3 heures du matin. Dans une église circulaire, hommes, d’un côté, et femmes, de l’autre, tous vêtus de coton blanc, psalmodient avec ferveur pendant des heures. La cérémonie se poursuit par un repas de rupture du jeûne où l’on savoure notamment la fameuse injera, grande galette emblématique de la savoureuse cuisine éthiopienne, déclinée en autant de recettes que d’ethnies !
Pays Basketo : au coeur de la coffee forest
Cap sur le pays Basketo, plateau géographiquement enclavé, situé à plus de
2 000 mètres d’altitude, au Sud-Ouest de l’Éthiopie, aux confins du Kenya et du Soudan. Cette zone isolée − difficile à localiser sur notre grande carte géographique − est une superbe région, aux reliefs changeants, et surtout un lieu de production et de collecte des épices convoitées. La végétation y est riche et verdoyante, la terre, humide et très fertile.
Du pays Basketo, direction la ville de Bonga, à une dizaine d’heures de route. D’heure en heure, on passe de 1 000 à 2 500 mètres, de 2 500 à 1 000 mètres. Les paysages époustouflants sont d’une diversité incroyable. La savane à peine quittée qu’à une centaine de kilomètres s’étend une zone de verdure, puis se succèdent des villages enclavés qu’on asphalte et électrise à renfort de pelleteuses et de barrages hydroélectriques… L’Éthiopie, pays éminemment rural, se construit et se transforme sous nos yeux…
Cette halte dans la principale région de production de café est l’occasion de se promener dans les massifs montagneux forestiers, humides, dans lesquelles cohabitent intimement les lianes de Piper capense (le timiz) et les Aframomum (la kororima).
Texte de Bénédicte Bortoli Photos : Patrick de Font-Reaulx